Comment devenir écrivain?

Virginy L. Sam, est-ce qu’enfant, vous aimiez lire ?

Mes parents m’ont lu énormément d’histoires, puis ils en ont lu à mes petites sœurs et je continuais à écouter. Mon père inventait même des histoires lui-même. Donc j’ai écouté des histoires jusqu’à dix ans, je dirais. Puis comme j’ai grandi à une époque où il n’y avait pas d’écrans, j’ai pas mal lu.  

Comment êtes-vous devenue autrice ?

Vers 13 ans, j’ai commencé à écrire des petits poèmes, des histoires, des longues lettres à des amis. Je me souviens que j’avais même écrit, un jour, une lettre à une amie, au dos qu’une grande affiche de film qu’elle aimait bien. C’était long! Puis à 16 ans, je suis passée devant une très vieille machine à écrire sur une brocante. J’ai pris tout mon argent de poche pour l’acheter… Avec cette vieille machine, j’ai écrit ma première nouvelle. C’était incroyable. Dès que je faisais une erreur, j’arrachais la feuille et je recommençais, puisqu’on ne pouvait pas vraiment effacer ou déplacer des textes avec une machine à écrire.

Ensuite, j’ai fait des études audiovisuelles, parce que je voulais écrire et jouer dans des films. J’ai commencé à écrire des scénarios. Puis des chansons. Et je continuais à écrire des histoires à la maison. Et un jour, un ami qui écrivait des livres documentaires pour la jeunesse m’a proposé d’écrire. Il avait une grosse commande et n’avait pas le temps pour tout écrire. C’est comme ça que j’ai commencé à écrire pour la jeunesse. Suite à ça, j’ai eu l’idée d’écrire Le Journal d’une Peste. Et j’ai eu beaucoup de chance puisqu’il a été publié, qu’on en a fait une série qui marche bien.

Aujourd’hui, j’écris pour la jeunesse, un peu pour le théâtre, quelques chansons, et je donne des cours de théâtre à des ados.

Virginy L. Sam, c’est votre vrai nom ?

Non. C’est un nom de plume (nom sous lequel on écrit des livres). J’ai pris ce pseudonyme (« faux nom ») en 2004, quand j’ai sorti mon premier roman, un livre pour adultes. J’avais besoin de dissocier mon nom de famille de ma vie artistique. Cela dit, Virginy est mon vrai prénom. L. et Sam, c’est les noms de mes parents : Lucette et Sam.

Comment écrire un roman?

Comment vous viennent les idées qui font une bonne histoire ?

J’aime bien prendre mon ordinateur et aller dans un café quand je suis dans la phase de recherche d’idées. Je les note puis je fais le tri, et je structure ça dans une histoire, avec une narration. En fait, quand on a une idée, on ne sait pas si ça fera une bonne histoire. Et on n’a pas toujours envie d’écrire ce qui nous passe par la tête. Si j’ai envie d’écrire, si ça m’amuse, je continue et je vois si je réussis à aller jusqu’au bout. Je fais un plan, dans lequel je développe mes idées plus en détails. Et ensuite, je passe à la rédaction. Et là, c’est long et plus laborieux.

Vous vous lancez dans l’écriture en sachant où l’histoire va vous mener, donc ?

Pendant longtemps, je me suis laissé improviser. Je partais avec un personnage, une situation, je savais à peu près ce qui allait se passer, mais je ne savais pas comment ça allait finir ni en combien de temps. Avec les années, je sais mieux formater. Si on me dit que mon histoire doit faire 124 pages, je sais mieux calibrer. Donc je fais un plan, je prévois les étapes du récit et je me laisse des libertés, mais j’ai une idée plus précise de ce que je vais faire.

Comment éviter des contradictions, des choses illogiques?

Le fait de faire un plan, ça aide un peu.

Mais dans le cadre d’une série, c’est compliqué. Donc, par exemple, pour écrire le tome 12 du Journal d’une Peste, je suis obligée de relire les tomes précédents, pour ne pas faire d’erreur de lieu, d’âge, de personnage…

Et dans mon livre, avant de me mettre à écrire, je relis énormément les pages déjà rédigées avant de continuer. Pour ne pas avoir d’incohérences dans le fond, mais aussi pour avoir une cohérence de ton.

Qu’est-ce qui fait un bon livre, selon vous ?

Pour moi, ça peut être plein de choses.

En ce qui me concerne, je suis très attachée aux personnages. Je vais aimer un livre parce que le personnage est fort, attachant, qu’il a du caractère.

Maintenant, il faut qu’il y ait suffisamment d’enjeux, de rebondissements, pour ne pas qu’il y ait des moments ennuyeux.

Et puis, j’aime beaucoup le rythme dans la lecture. Donc quand j’écris, je relis toujours à voix haute. Il faut que ce soit un peu musical, que le rythme de la phrase soit bon.

Enfin, l’histoire doit nous tenir en haleine et elle doit nous habiter après, rester, laisser une trace. Si ça nous fait réfléchir, c’est encore mieux.

Comment savoir si l’histoire va plaire ? Vous la lisez à des enfants, pour la tester ?

Pas du tout. Surtout pas. Alors pourquoi? Peut-être parce que je pense que je peux avoir plein de retours différents sur un même texte. Donc je pense que ça dépend de l’enfant, et du moment où il le lit.

Quand votre histoire est écrite, vous la retravaillez ?

Oh oui ! Je la retravaille beaucoup, je jette des pages, je réécris… C’est infini ! Et puis à un moment, je me dis qu’il faut que je m’arrête et que j’envoie.

Dans Le Journal d’une Peste, les pages sont remplies de dessins. Qui réalise ces illustrations ? Comment travaillez-vous ensemble ?

C’est ma soeur, Marie-Anne Abesdris.

On ne travaille pas vraiment ensemble, parce que j’écris de chez moi, à Paris. Et elle habite à Saint-Nazaire, au bord de la mer.

En fait, j’écris à peu près un tiers du livre, que je fais valider par l’éditeur. Ensuite, je l’envoie à Marie-Anne pour qu’elle l’illustre. Donc elle avance sur un tiers à la fois.

Alors, quels dessins et comment? Maintenant, on connaît bien la série, puisqu’on y travaille depuis sept-huit ans. Et puis on se connaît bien, puisqu’on est sœurs, et on s’entend bien. Donc je donne déjà, dans le texte, des idées d’illustrations qu’elle peut prendre ou pas. Après, c’est à elle à tout faire. Elle a une très grande liberté. Puis elle m’envoie les dessins, on se met d’accord sur tout. Puis elle expédie l’ensemble à l’éditeur, qui valide ou fait faire des modifications.

Avez-vous des conditions particulières qui favorisent l’écriture ? Un lieu ? Un moment ?

Moi, j’écris chez moi majoritairement. J’aime bien avoir de la musique, mais surtout pas en français parce que sinon, j’écoute les paroles. Et puis il faut que ce soit doux. Et je m’assieds à mon bureau, dans mon salon.

Est-ce qu’on peut écrire des livres de styles différents ?

Je pense que oui, mais c’est une question d’envie. Le fantastique, c’est pas du tout mon truc, je n’en lis jamais. Donc, je ne saurais pas en écrire. Mais là, je vais faire une BD pour la jeunesse, donc je suis hypercontente.

Est-on riche quand on vend tant de livres ?

Par livre, en format original, je reçois 5% du prix de vente hors taxe, donc, à peu près 40 centimes. En format poche, je touche moins de 20 centimes. Il faut donc en vendre beaucoup pour gagner sa vie. On a beaucoup de chance avec Le Journal d’une Peste. Très peu d’auteurs ne vivent que de l’écriture. Surtout en littérature jeunesse. Les prix des livres jeunesse sont moins élevés que les autres livres, ce qui est très bien. Mais comme on est payé en pourcentage du prix de vente, on touche moins en littérature jeunesse qu’adulte.

Avant d’être publié, un livre est relu et corrigé. Découvre notre interview d’une correctrice.