Une journée de travail d’Isabelle, ça ressemble à ça : « Je passe sept heures environ à lire et corriger par jour. Je travaille chez moi, avec mes deux chats. Souvent, je travaille sur un fichier Word. Puis le texte corrigé est mis en page et relu une fois. Pour des livres illustrés ou des encyclopédies, on corrige sur le livre déjà mis en page parce qu’il faut tenir compte des liens entre le texte et les illustrations. »

Non seulement elle découvre les livres avant leur parution, mais Isabelle est aussi en contact avec les auteurs ! « Pour l’orthographe, on me fait souvent confiance. Mais quand il s’agit de reformuler des phrases, de poser les choix d’unification (met-on des majuscules ou pas à ce mot ?), de se pencher sur les incohérences…, je travaille souvent avec les auteurs et je leur soumets mes corrections. Ou alors, c’est l’éditeur qui regarde et tranche. » Il faut dire qu’elle se penche sur pas mal de choses : l’histoire est-elle logique ? Ne manque-t-il pas quelque chose ? Les dates sont-elles possibles ? Les noms sont-ils corrects partout ? Elle va aussi veiller à ce que les phrases ne soient pas trop compliquées, qu’il n’y ait pas trop de répétitions du même mot…

Pour corriger les fautes d’orthographe, de conjugaison et de grammaire, Isabelle utilise des outils : « Je travaille avec le Larousse et le Robert, le Bescherelle de conjugaison et des livres de grammaire. Et puis, on a des dictionnaires de difficultés avec des règles compliquées. Les correcteurs informatiques sont bien, mais pas suffisants. »

Que fait-elle de la nouvelle orthographe et de l’écriture inclusive ? « Je travaille pour des maisons d’édition qui ne suivent pas la nouvelle orthographe. Et très peu d’auteurs l’utilisent. En ce qui concerne l’écriture inclusive, c’est un peu difficile de savoir comment se repérer, ne pas s’embrouiller, parce que les règles ne sont pas encore bien fixées. Mais je dois suivre les choix des auteurs. Et certains m’envoient des textes en écriture inclusive. »

Le zéro faute, c’est possible?

Est-ce qu’il peut parfois rester une faute dans un livre ? Malgré tous ses efforts et son attention, Isabelle admet : « Il en reste, ça c’est sûr. Avec un manuscrit très propre au départ, il peut n’en rester aucune. Mais s’il y a beaucoup de corrections au départ, il peut en rester, oui. »

Il faut dire qu’un bon écrivain n’est pas nécessaire un champion d’orthographe ! « Certains écrivent vite, ou font plusieurs versions, arrêtent puis reprennent l’écriture plus tard… et s’embrouillent un peu. Certains ont une mauvaise orthographe, ou ils s’attachent au fond plutôt qu’à la forme. Et puis, on se relit mal, le cerveau rétablit le mot, il corrige. C’est pour ça qu’on nous recommande de lire lettre à lettre. »

Pourquoi est-ce important, l’orthographe ?

« Je pense qu’il n’y a pas que le fond qui compte. Il faut aussi communiquer de façon correcte, claire. La ponctuation ou un mauvais accord peuvent changer le sens. Et puis, avoir une mauvaise orthographe, ça peut poser des problèmes, jouer des tours ; notamment quand on cherche un travail. »

Correctrice, un beau métier?

Enfant, Isabelle était déjà assez bonne en orthographe et en dictée. Et elle lisait beaucoup. Mais de là à devenir correctrice ? « C’est le hasard qui m’a menée à ce métier. J’ai fait des études littéraires et des études de langue et j’hésitais à devenir enseignante. Et un conseiller, dans ma recherche d’emploi, m’a parlé de ce métier. J’ai suivi des formations pour adultes, avec des professionnels et voilà. C’est un beau métier, peu connu. »

Qu’est-ce qui lui plaît dans ce métier ? « La variété : on lit des textes différents. La relation avec les auteurs, avec qui je peux parler. La possibilité de participer à la création d’un objet, d’un livre. Et puis, lire toute la journée, ça me plaît. J’aime aussi les relations avec les éditeurs, les typographes (qui tapent les textes et les met en page)… pour que les livres paraissent le plus tôt et le mieux possible. »

Après ses journées de travail, Isabelle lit encore pour le plaisir, mais moins qu’avant. « Moins parce que le soir, j’ai les yeux fatigués. Et puis parfois, je continue à penser aux textes que je corrige, même dans mon lit. Par contre, je lis beaucoup pendant les vacances. Au début, je continuais à voir des fautes partout… C’était un réflexe. Mais j’essaie de mettre mon cerveau sur pause dans ces moments-là. »

Lis l’interview d’une écrivaine, Virginy L. Sam, autrice du Journal d’une Peste.